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TIFF 24 – Entre mémoire et imagination : Sofia Bohdanowicz réinvente l’héritage oublié de Kathleen Parlow

Avec Measures for a funeral, son dernier long métrage sélectionné au TIFF 2024Sofia Bohdanowicz explore la vie oubliée de la violoniste canadienne du début du XXème siècle Kathleen Parlow à travers le personnage fictif d’Audrey Benac, que la réalisatrice a déjà dépeint dans plusieurs de ses films. Parlow qui fut l’instructrice du grand-père violoniste de Bohdanowicz, est une violoniste aujourd’hui méconnue et c’est bien dommage.
Le film s’articule donc autour d’Audrey Benac, interprétée par Deragh Campbell, un alter ego récurrent de la réalisatrice, qu’elle a créé avec Campbell. Ce personnage autrefois passif et introspectif, devint ici plus actif et déterminé, accomplissant quelque chose de tangible pour la première fois dans la filmographie de Bohdanowicz. Audrey, doctorante en pleine rédaction de thèse sur Barlow, s’immerge dans les archives musicales et historiques, cherchant à ressusciter la mémoire de cette musicienne tombée dans l’oubli collectif. En parallèle de sa quête, on découvre l’éloignement émotionnel d’Audrey face à sa mère mourante, une femme qui, elle aussi, nourrissait des aspirations musicales avortées.
L’un des aspects les plus percutants du film est la manière dont Bohdanowicz interroge le rôle du hasard et des préjugés, dans la reconnaissance artistique. Une ligne clé du film, « bias makes luck impossible », qu’on pourrait traduire par « les préjugés rendent la chance impossible », résume ce thème central. Le film met en lumière les obstacles que Barlow, et plus largement les femmes artistes, ont dû surmonter pour tenter de percer dans un milieu où les préjugés de genre dominent. Une anecdote poignante dans le film résume bien cette injustice : lors d’une interview, on a demandé à Parlow si elle regrettait de ne pas être mariée ou d’avoir des enfants, soulignant ainsi la pression sociale sur les femmes, même au sommet de leur carrière.
Sur le plan visuel, Sofia Bohdanowicz adopte une approche plus ambitieuse que dans ses œuvres précédentes. Ce changement stylistique amplifie le poids émotionnel du film en particulier lors des scènes où Audrey se confronte aux souvenirs d’une époque révolue. Le film culmine dans une scène d’une grande beauté où Audrey assiste à l’interprétation d’une composition dédiée à Parlow, scellant le lien entre passé et présent.
Avec Measures for a funeral, Sofia Bohdanowicz signe une œuvre ambitieuse et émouvante, qui fusionne habilement l’intime et le collectif, tout en posant des questions profondes sur la mémoire et l’injustice. C’est un hommage réparateur à une artiste qui mérite d’être redécouverte et un film qui résonne bien au-delà de son sujet.
Article et interview : Quitterie Hervouet
Photo : TIFF

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